Les ouvriers d’aujourd’hui ne sont pas ceux dont Charlie Chaplin décrivait le quotidien répétitif dans Les temps modernes. Ce sont des livreurs, des chauffeurs Uber, mais aussi, pour les métiers féminins, des aides-soignantes et des aides à domicile dont le travail est trop souvent invisibilisé, analyse Denis Colombi, sociologue et enseignant en sciences économiques et sociales au lycée.
Après Pourquoi sommes-nous capitalistes (malgré nous) ? (Payot, 2022), il vient de publier, sur les nouvelles formes d’exploitation, Qui travaille vraiment. Essai sur l’invisibilisation du travail (Payot). Il y pointe le brouillage des frontières entre vie professionnelle et vie personnelle.
Vous signalez dans l’introduction de votre dernier livre que 36 % des salariés travaillent aujourd’hui en horaires atypiques. En quoi est-ce le signe d’une progression des formes d’exploitation ?
Denis Colombi : 36 %, cela représente une part non négligeable de la population active. Et c’est l’un des signes du floutage des frontières du travail que j’ai voulu décrire dans mon livre, puisque la frontière entre les temps de travail et de loisirs devient plus difficile à établir. Dans un contexte où on doit être non seulement disponible au moment où on travaille mais aussi en dehors, l’organisation de la vie devient plus compliquée.
Cela concerne les médecins, les infirmiers, mais aussi les cadres et managers et même les enseignants, avec la sollicitation numérique qui s’est développée pour eux en dehors des heures de cours, sans parler des réunions qui se sont multipliées. Il s’agit bien là de nouvelles formes d’exploitation puisqu’on entre dans un espace de travail non rémunéré.
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Comme d'hab., rien de récent, toujours de veilles données fournies par l'INSEE. Là, cela fait presque 2 millions de personnes directement utilisées pour piller la France, dont, on ne s'en doutait pas, un nombre imposant dépendant des États-Unis...
Le capitalisme est une folie, la preuve avec un produit que tous les bretons adorent : le beurre. Le 28 décembre, un article du journal Le Parisien évoquait une biscuiterie d’Île et Vilaine obligée d’acheter du beurre aux Pays-Bas, alors que celui-ci est produit à 90 kilomètres de son usine… en Normandie !
Du beurre congelé
Comment expliquer cette diablerie ? Des spéculateurs basés aux Pays-Bas achètent de grandes quantités de beurre en France, le congèlent, puis le revendent plus tard, plus cher, à des entreprises françaises. Ce beurre fait donc un aller-retour hors de France uniquement pour que des parasites augmentent son prix. Une absurdité complète.
La biscuiterie «La Mère Poulard» est basée dans la commune de Maen Roch près de Fougères, et utilise du beurre de Condé-sur-Vire, à proximité. Son patron déplore : « il a voyagé pour être congelé aux Pays-Bas, avant de revenir en Bretagne décongelé ». Des traders hollandais stockent du beurre acheté à différentes laiteries européennes avant de le revendre au prix fort. De son côté, la biscuiterie n’arrive pas à signer de contrats directs avec des producteurs locaux, car « aucun fabricant ne veut s’engager sur la durée ».
Le prix du beurre industriel a explosé de 80 % en un an, mais cette inflation qui met en difficulté les consommateurs ne profite pas aux agriculteurs. Ce sont les traders qui spéculent sur les matières premières qui engrangent les bénéfices. « Le beurre livré à la biscuiterie avait été produit huit mois plus tôt et stocké avant d’être revendu à un tarif bien supérieur », explique le directeur de «La Mère Poulard».
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Un rapport d'investigation, commandé par la Confédération paysanne et transmis au Parquet National Financier en 2019 est à l'origine du règlement par Lactalis de 475 millions d'euros au fisc pour « clore un différend lié à des opérations internationales de financement ». Ce rapport mettait à jour les abus exercés par Lactalis, géant mondial de l'agro-industrie laitière, depuis plusieurs années en toute impunité, au détriment des paysan.nes, des consommateur.trîces et de l'environnement.
La Confédération paysanne n’a jamais cessé de se battre et d'alerter sur les agissements du groupe Lactalis qui ne valorise pas suffisamment le prix du lait et méprise ainsi systématiquement le travail paysan. Nous avons manifesté devant leurs usines, dans leur siège social en février 2024, sur les salons d'élevage, devant les tribunaux, nous avons déposé plainte pour extorsion, obtenu la publication des comptes du groupe après assignation et transmis au Parquet national financier des éléments attestant d'un mécanisme d'évasion fiscale à l'échelle du groupe.
Ce premier versement suite au contentieux fiscal entre Lactalis et l’État, alors que l'enquête préliminaire est toujours en cours, est un signal fort adressé aux pratiques abusives de toutes sortes de l'agro-industrie. C'est bien le résultat du travail et de la ténacité de la Confédération paysanne.
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L’austérité ne constitue pas un faux-pas économique. Il s’agit d’un projet vieux d’un siècle visant à saper la démocratie dans des domaines cruciaux de notre vie.
L’austérité est omniprésente. Augmentation des taux d’intérêt, nouvelles privatisations, contrats de travail de plus en plus flexibles, réduction des soins de santé et de l’enseignement public, réduction de l’impôt sur les plus-values et augmentation des taxes sur la consommation. Chaque réforme économique nous est présentée comme une nécessité : nous devons nous serrer la ceinture, sous peine de voir notre État faire faillite. Nous nous devons d’être réalistes et faire des choix difficiles, comme l’exige la situation économique. Une vision de l’économie en tant que science pure, objective et logique nous fascine. Il n’y a pas d’alternative, il n’y a pas d’autre choix que de s’en remettre aux experts.
Mais qu’entendent ces experts lorsqu’ils utilisent cette expression apparemment omniprésente ? La plupart d’entre eux décrivent cela comme une politique économique qui consiste à réduire les dépenses publiques et à augmenter les impôts. C’est là que réside le premier piège : les économistes utilisent le prisme de l’agrégat, de l’ensemble. Ces experts parlent des économies américaine, française ou brésilienne comme d’entités nationales cohérentes. Mais en y regardant de plus près, il s’agit pourtant d’abstractions grossières qui cachent de profondes fractures de classes, que ce soit entre elles ou au sein des économies nationales.
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