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Ne surtout pas insulter les députés ( Fabrice Nicolino )

          Il ne faut pas insulter la représentation nationale, et donc ne pas dire que les députés sont des petits trous-du-cul. De même, épargnons ce parfait inconnu et néanmoins ministre - de l’Industrie - appelé Roland Lescure. Ne connaissant à peu près rien à rien, cela ne l’a pas empêché de contester contre tant d’évidences scientifiques l’extrême dangerosité des molécules chimiques PFAS.

          Eh oui, (encore) les PFAS. Ces substances per- et polyfluoroalkylée (PFAS, selon l’acronyme anglais) sont de splendides créations de la chimie de synthèse et servent à tout, partout. Dans les emballages alimentaires, les cosmétiques, la peinture, l’industrie du textile, les produits ménagers, les pesticides, les mousses anti-incendie, les ustensiles de cuisine. Retenons dans un coin de notre tête ce dernier usage. L’industrie les adore, entre autres pour leurs propriétés antiadhésives et imperméabilisantes.

          Est-ce que cela craint ? Un max. Alors que l’on ne sait rien de la plupart, pas même leur nombre, les études portant sur quelques PFAS sont affolantes. Ces poisons augmentent le taux de cholestérol, ont des effets délétères sur la fertilité et le développement du fœtus, sur le foie, sur les reins, la thyroïde, provoquent l’obésité et même des cancers. Que c’est bon à entendre. Il faut ajouter qu’on les appelle des forever Chemicals, ou « polluants éternels », car leur structure chimique est telle qu’elle ne se dégrade pas. Il faut compter en siècles, peut-être en millénaires.

          Comme si souvent, après le silence et l’indifférence, les gazettes s’y mettent. On apprenait par exemple en janvier l’extraordinaire pollution par les PFAS de cours d’eau autour d’une usine chimique du Gard. Et quelques jours plus tard que le sang d’une douzaine de responsables politiques européens contenait des PFAS. Et parmi eux, l’ancien vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans, qui appelle depuis à l’interdiction de ces substances.

          Des nouvelles de ce genre tombent chaque jour ou presque, et voici venu le moment d’autosatisfaction un poil écœurée. Car la page que vous lisez résume la bagatelle de 12 articles sur le sujet, publiés par Charlie ces dernières années. Douze. Extrait de l’un d’entre eux, paru en juin 2021 (n° 1508) : « Lecertain, c’est que [...] les "révélations" hebdomadaires ne servent strictement à rien. Un jour le DDT, le lendemain les dioxines, le formaldéhyde, l’année suivante les SDHI ou les néonicotinoïdes. La névrose de la soumission masque une évidence : l'industrie chimique a échappé au contrôle humain et suit sa route d'assassin de masse. L'État et ses pseudopodes, politiciens compris, applaudissent. »

          Un autre extrait, de l'été 2023 (n° 1616) : « Dans les années 1970, on trouve dans le sang des personnels exposés dans leur travail des traces de PFAS. Et alors ? En 2001, Giesy et Kannan montrent une contamination des ours polaires, des poissons, des oiseaux. Et alors ? On découvre, dans la foulée, que le sang de toute la population américaine - il doit pouvoir rester deux ou trois épargnés - contient des PFAS. Et pareil en Europe. L'air des cimes en contient. La glace arctique aussi. » Retour aux députés, qu’il ne faut pas appeler des petits trous-du-cul. Ne croyez pas que Charlie leur soit inconnu. Leurs assistants font chaque jour ou presque des revues de presse, et malgré l’indolence de nos élus, les informations circulent. En ce mois d’avril 2024, chacun d’entre eux avait les moyens de savoir l’essentiel sur les PFAS. Et pourtant !

          Le 4 avril, les députés ont voté en première lecture une loi ridicule, probablement mort-née. Il s’agirait d’interdire les PFAS. Quels PFAS, puisqu’on les recherche à l’unité quand ils sont sans doute des millions différents (voir l'article ci-dessous) ? En outre, les restrictions et dérogations sont nombreuses. Le lobbying de l’industriel SEB a ainsi payé, puisqu’au dernier moment, les poêles antiadhésives - miam ! - ont été épargnées. Que restera-t-il de ce pauvre foutoir après passage au Sénat et retour à l’Assemblée ? On verra bien, mais c’est tout vu. Beuark !

Le fric passe avant tout ! Enfoirés ! En France, les députés et sénateurs des majorités successives ( LR, PS et macronistes/centristes ) en sont les principaux responsables...